Adam de Rovira || (Perséphone)

~Nom: de Rovira
~Prénom: Adam
~Âge: 15 ans



Description physique :

Si vous croisez son regard, vous le trouverez sans doute envoûtant et terriblement étrange. Et c'est effectivement le cas. Ce qui est dans ses yeux en amandes, c'est la pluralité des couleurs. Elle sont au nombre de deux, une pour chaque œil. La première bien que rare reste "normale", il s'agit d'un bleu glacier pour l'œil droit, la seconde par contre, est tout sauf courante ! Anormale, bizarre, spéciale, que sais-je encore pour qualifier le violet rosé qui siège dans son œil gauche. Une couleur obtenue à cause d'une malformation génétique, une absence de pigment dans cet œil.
Voilà, vous avez vu son regard, vous avez vu tout ce qui était étonnant dans son physique. Le reste est moindre, voire banal. Ni beau, ni laid, juste commun.
Prenons sa stature par exemple, elle n'a absolument rien d'extraordinaire, une taille normale, pour une musculature légèrement fluette. Un garçon à l'allure frêle donc, mais rien d'exceptionnel à cela. Il en existe des tas dans son genre. Le seul signe distinctif, c'était peut être ses jambes, à la ligne fine, au galbe enviable pour sa grâce. Après, le reste n'est constitué que d'un torse mince, qui peine à cacher ses côtes, avec des clavicules anguleuses et prononcées, de bras minces, eux aussi légèrement trop osseux, de mains longues et fines.
Le visage ? Assez fin, mais pas remarquable : un petit nez droit en son centre, des lèvres charnues sans être pulpeuse, des sourcils bien dessinés. Un ensemble convenable, mais qui ne le rendait pas fantastiquement inoubliable. Sa chevelure ? Oh, vous visez juste, ce n'est pas une coiffure très courante. Il possède des cheveux longs, lui arrivant un peu plus bas que les épaules. D'une couleur commune, châtain clair, ils n'en restent pas moins jolis avec leur souplesse parfois rebelle, et touché soyeux. Finalement, on se souvient peut-être de ses cheveux de soie… Mais hormis cela, et son regard, le reste, on l'oublie. On ne sait pas dire qu'il possède un piercing discret à la lèvre inférieure, et qu'il met parfois sur son petit nez des lunettes à la monture légère, rectangulaire. Tout cela passe à la trappe.
Peut-être que cette amnésie est aussi due au comportement du garçon. Il ne fait rien pour se mettre en valeur, portant des vêtements simples, souvent dans ses teintes neutres ou sombres. Il ne fait rien pour se faire remarquer, ayant une attitude discrète au sein de la communauté, sachant être souriant quand il le faut, mais pas à faire des sourires arrivant jusqu'aux oreilles.
C'est sans doute à cause de tout cela qu'il reste le garçon qu'on voit, qu'on aperçoit, mais pas celui qu'on garde à jamais gravé dans sa mémoire.

Autres détails : Adam porte des lentilles de vue, ou bien des lunettes, car en raison de la non pigmentation de son oeil gauche, il a d'assez gros problèmes de vue, sans correction, il voit à peine à un mètre les grandes choses !
Il est aussi sous antidépresseurs, du coup, il lui arrive d'avoir quelques somnolences, ou effets secondaires de ce genre.

Description morale :

Emotif, tel est le mot qui colle à Adam. Du moins, l'un des mots qui lui convient. En effet, il est très sensible à tout ce qui l'entoure, tout ce qui le touche. Pour certains, cela paraîtra excessif. Lui, sait y trouver des avantage. Il réussit à éprouver beaucoup de joie pour de simples choses : voir tomber la neige le comblera de joie. Mais il sait aussi que cette sensibilité peut être terrible, quelques paroles un soupçon méchantes sont pour lui des poignards. C'est une part de sa personnalité qui lui offre autant de bonheur que de malheur.
Elle s'associe très bien à une deuxième face de lui-même : sa candeur. Car Adam est un éternel enfant, d'une innocence inouïe. Mais il a su apprendre, et son innocence ne fait pas de lui un naïf. Il sait avec qui laisser s'épanouir son côté ingénu. Sa confiance si franche et si grande, il la restreint à ceux qui la méritent.
Après l'énonciation de ces deux perspectives de son caractère, on pourrait effectivement le prendre pour un simple d'esprit trop émotif. Mais ce serait réduire sa personnalité en une caricature. D'une part, parce que ses deux caractéristiques, il les refoule le plus possible, d'autre part, parce qu'elles ne sont qu'un pan de lui-même.
Il sait aussi faire preuve de beaucoup d'esprit, d'analyse surtout. Il sait comprendre les intérêts des autres, il voit bien souvent les manigances. Il a toujours su pressentir cela, observer les signes. Observateur, et analyste. Et c'est toujours après avoir observé et compris les situations qu'il agit, malgré ses émotions fortes. Paradoxal me direz-vous, mais n'est-ce pas le propre de l'humain ? Et puis, même s'il agit, c'est toujours avec discrétion. Pas d'action d'éclat, il ne se sent pas fait pour le devant de la scène. Pour dire vrai, il se sous-estime toujours. Vous pourrez toujours l'insulter ou critiquer son travail ou son talent, il prendra ça avec le sourire et renchérira même. Pourtant, il a du talent. Surtout pour le dessin, et l'écriture. Sa sensibilité lui permet de créer des choses extraordinaire, mais il ne croit pas assez en lui pour le voir. Par contre, ne vous aviser pas de vous moquer d'autres personnes, il pourrait devenir très méchant. Verbalement, voire même physiquement si cela va trop loin à son goût. Mais en général, il se cantonne aux mots.
Mais vous avez peut-être trouvé une faille dans sa personnalité, comment peut-il être blessé en se rabaissant toujours ? En fait, si c'est un inconnu qui l'insulte, cela ne lui fera rien. Là où il est très vite blessé, c'est quand il a accordé sa confiance. Vous comprenez maintenant mieux ce garçon au sourire rêveur, toujours discret, veillant pourtant sur ses amis comme un ange gardien. Mais un tel ange ferait mieux de se soigner lui-même avant de penser aux plaies des autres… cependant, c'est une autre histoire…
D'ailleurs, petite annotation "anodine", Adam est atteint d'un syndrome dépressif depuis la mort de ses parents, du coup, son émotivité en a été aggravé dans le "mauvais" sens, il a plus tendance à pleurer, d'autant plus si au détour d'une conversation il entend quelque chose ayant rapport avec la famille. Néanmoins, ces temps-ci ça va mieux, et puis, il a un traitement et un suivi psychanalytique. Mais je préfère prévenir.

Qualités:

Vous vous en doutez, sa plus grande qualité, c'est sa sensibilité. Elle lui permet à la fois de pressentir les besoins des autres, mais aussi de les comprendre, de les réconforter avec les bons mots, les bons gestes, parfois un simple regard suffit. De cette qualité découle donc un très bon sens de la communication –mais juste avec ceux qu'il estime assez pour cela-, pour le réconfort. Comme je le disais plus tôt, Adam peut être comme un ange vous protégeant du mal par sa pureté et ses mots bienfaisants. Son émotivité lui confère aussi une créativité très développée, étant bien plus réceptif aux arts que la normale. Peut-être est-ce aussi elle qui lui donne ce terrible sens de l'observation et de la synthèse, mais cela, reste à prouver. Par contre, on peut être certain que son incroyable sens de la répartie ne vient pas de là ! Mais il demeure néanmoins une des armes les plus redoutables de cet ange aux yeux vairons.

Défauts:

Adam se considère particulièrement égoïste. Ce n'est pas le cas, mais on peut néanmoins dire qu'il est extrêmement possessif envers ceux qu'il aime, tout particulièrement son frère. Cette jalousie lui fait plus de mal à lui-même d'ailleurs qu'aux autres, puisqu'il l'intériorise farouchement, refusant de montrer une attitude si vile. Autre défaut frappant, son éternel dévalorisation, car elle cache un profond mal être et des faiblesses terribles. Son plus gros défaut, s'il peut être considéré comme tel, c'est sa fragilité, cette sensibilité qui le rend si facile à briser psychologiquement. Son introversion n'aidant pas à évacuer son malaise, car, il cachera toujours son mal, sans doute à cause d'une fierté exacerbée, et l'impression d'encombrer si malheureux.




Ce qu'il aime:

La chose qu'Adam aime le plus au monde, cette chose est une personne, c'est son jumeau, Zacharie. On dit parfois que les jumeaux sont reliés par un lien mystique, pour Adam, il semblerait que ce soit le cas. Jamais il ne pourrait vivre sans son frère à ses côtés, son amour pour lui est si fort qu'il ne peut être résumé par des mots, il ne rendrait pas l'intensité de cette affection.
Passé cet amour inconditionnel, Adam s'avère aimer beaucoup d'autres choses, même les choses les plus simples. Par exemple, il aime s'allonger dans l'herbe pour regarder les nuages, passer du temps avec ceux qu'il apprécie, rire de tout, courir à en perdre haleine pour faire semblant de fuir son frère, regarder la neige tomber et la sentir tomber sur son visage, toutes ces petites choses, il les apprécie, elles sont d'innombrables minutes de bonheur. Il aime aussi lire, écrire de la prose ou de la poésie de bas étage, dessiner sans prétention –malgré un certain talent-, écouter de la musique – classique, rock, jazz ou encore, tenez vous bien, du métal.
Maintenant, plus pragmatiquement il aime manger des sucreries, de toute sorte : bonbons, sucettes, glaces, chocolat, nougat, caramel, pâtisseries, boissons chocolatées bref, tout. Les fruits aussi ne font pas long feu en sa présence –surtout les melons, pastèques et abricots-, de même que les légumes, et plus surprenant, le fromage – même le plus fort en goût !
Il apprécie aussi les endroits lumineux, les grands espaces, sentir le vent sur son visage, se promener dans les endroits naturels.

Ce qu'il n'aime pas:

Voir Zacharie heureux avec quelqu'un d'autre que lui ? Oui, cela le rend malheureux, même s'il sait que c'est égoïste de sa part, et que lui aussi se détache parfois de son frère, mais que voulez-vous, la jalousie ça ne se contrôle pas trop…
Il n'aime pas non plus quand il pleut des trombes d'eau –une petite pluie par contre, il aime bien -, par contre, les orages le terrifient ! Tout comme les endroits exigus et clos, il est très vite oppressé quand il se sent enfermé, on pourrait parler de claustrophobie. Il n'est pas non plus rassuré dans le noir total. Les ténèbres ont pour lui quelque chose de traumatisant, il ressemble à l'oubli. On aurait vite fait de vous oublier dans une petite pièce noire…
Après, de façon plus terre à terre, il n'aime pas la réglisse ! C'est la seule sucrerie qu'il ne mangera pas ! Il n'aime pas trop non plus manger de la viande, bien qu'il ne soit pas végétarien.
Oh, j'oubliai, s'il y a bien une chose qu'il ne supporte pas aussi, c'est les faux semblants, l'hypocrisie et les commérages. Il serait capable de pousser une gueulante si on commençait à lui parler rumeur, et il serait du genre à faire naître des rumeurs sur sa personne juste pour prouver combien c'est débile.


Passes temps: Notre jeune homme aime beaucoup les activités en plein air, il préfèrera toujours, lire, dessiner, étudier, ou écrire au pied d'un arbre plutôt qu'enfermé. Il aime bien se promener dehors, s'allonger dans l'herbe. Quand le temps ne le permet pas, il finit souvent à écouter de la musique près d'une fenêtre, ou travailler. Bien sûr, il aime passer du temps à rigoler avec son frère et ses amis. Il pratique aussi la natation.

Si l'on voulait pousser le zèle d'un historique complet, on pourrait faire remonter l'arbre généalogique des de Rovira jusqu'au règne de Louis XIV. On pourrait ainsi prouver la noblesse de cette famille qui s'est de nombreuses fois distinguée par les armes, l'ingéniosité, et les plaisirs des alcôves. Mais, je crois bien que cela vous arrangera tout autant que moi de ne point le faire. Et puis, à quoi bon démontrer une évidence ? Les de Rovira étaient, sont, et resteront l'élite de la société. Et ce, malgré les Révolutions, changements, et autres contretemps. Il est des familles qui savent se faire caméléons et dépasser les difficultés, et donc, les âges.

Les de Rovira arrivèrent donc à se perpétuer jusqu'à la fin du XIXème, plutôt victorieusement car riche, et influent dans le monde politique et intellectuel. D'ailleurs, les deux parents d'Adam étaient d'éminents ambassadeurs. Des figures emblématiques des ambassades françaises. Réputés pour leur pacifisme, leur sens du dialogue, mais aussi pour leur formidable amour conjugal ! Etrange non ? On aurait pu croire qu'un mariage entre deux familles noble se solderait par un échec sentimental. Pour eux, ce fut tout le contraire.

D'ailleurs, il ne tardèrent pas à mettre au monde, deux agréables enfants, deux charmants jumeaux : Zacharie, le plus âgé – à quelques minutes près-, et Adam, le plus jeune. De vrais jumeaux. Identiques l'un à l'autre. Mais avec un bon coup d'œil on pouvait voir leur unique différence : leur regard. Vairon pour les deux, mais inversé.

Les deux bébés grandirent dans la propriété familiale, non loin des bords de la Loire, un petit château, ou un grand manoir, tout dépend des points de vue. Malgré l'amour qu'ils éprouvaient pour leurs enfants, les de Rovira ne purent rester toujours à voir grandir leurs enfants. Mais, ils avaient trouvé quelqu'un de confiance pour prendre soin d'eux durent leurs absences : Christian Stuart. Un anglais à l'éducation irréprochable et à l'ouverture d'esprit effarante. Le pragmatisme et les plus grandes farces dans le même corps. Et avant toute chose un homme de quarante ans responsable et attentif. Ce qu'il fallait pour deux lardons aux parents souvent absents.

D'ailleurs, les deux bigorneaux grandissaient plutôt bien. Vers 12 mois, d'un commun élan, il marchèrent tous les deux ! Bien sûr il eut des bosses, des égratignures, et de grands cris. Mais dans l'ensemble, ils étaient des bébés agréables, et bons vivants. Puis arriva les premiers mots. Il s'avéra que les deux petits ne voulaient pas faire comme tout le monde ! Pas de "papa" ou de "maman" pour eux, ni même les pragmatiques "soif", "bon", non, ils voulaient faire original apparemment ! Zacharie prononça le nom de son frère…. Et Adam fit sa première "bêtise" !

En effet, il avait la fâcheuse manie de courir un peu partout dans la maison. Il était plus curieux qu'un chat, et aussi observateur qu'un lynx ! Il n'était pas rare qu'il traîne dans la cuisine alors que Christian et une aide ménagère préparait la cuisine. Il se faisait souvent gronder pour cela, mais il persistait, ce lieu l'attirait comme un aimant avec ses bonnes odeurs, les fruits de toutes les couleurs, toutes ces choses. Et puis, il y avait une chose, rangé dans le placard à côté du mur qui était fascinante : l'or blanc ! Donc, un jour, dans son 13ème mois, alors que personne ne faisait attention à lui, Adam s'éclipsa pour la cuisine. Direction le placard béni ! Il réussit après plusieurs tentatives à ouvrir le fameux placard. Il fouina un peu, faisant tomber quelques sachets de milles et unes épices et sucres en tout genre. Mais il atteint l'objet convoité à l'emballage coloré. Il enleva avec maladresse le papier. Bientôt avec ses quatre petites dents, il croqua la tablette de chocolat blanc.

Cependant, affolé de ne pas le voir, Christian entra précipitamment dans la cuisine, découvrant la terreur de la maison au milieu d'un carnage culinaire, et la tête barbouillée de chocolat. Il avait déjà mangé la moitié de la tablette avec ses quatre minables chicots.

"Adam ! Qu'est-ce que ?" lâcha l'anglais ébahi.

Le petit lui fit un grand sourire, se leva et lui tendit la tablette.

"Chocolat ! Chocolat bon bon ! " dit-il d'une voix gazouillante.

Le gouvernant ne put s'empêcher de rire devant une telle frimousse. Il rit nettement moins quand le petit fit une indigestion de tant de chocolat, mais bon, une bêtise se paie toujours un peu !




"1. 2. 3. 4. 5…"

Adam courait dans la grande maison. Il avait 8 ans alors. Et ce samedi là, c'était la journée cache-cache avec son frère ! Et il était bien décidé à trouver une super cachette ! En même temps dans une maison si grande, c'est facile. Il avait dévalé deux escaliers, et était arrivé au rez-de-chaussée. Hum, où aller ? Il passa sous les escaliers… Oh ! Tiens… Ses petits doigts trouvèrent une petite porte dissimulée par un ingénieux ouvrage. Au moins, Zacharie n'arriverait pas à le trouver là ! Il allait gagner la partie, c'était sûr ! Il s'engouffra dans la pièce exiguë, refermant la porte derrière lui.

La pièce n'était cependant pas bien grande, un adulte n'aurait sans doute pas pu rentrer dans cette espèce de cagibi. Lui y tenait, accroupi, ou assis, mais tout était noir. Et puis, il y avait de la poussière, ça grattait la gorge. Mais il fallait attendre un peu pour sortir.

Bientôt, il entendit les pas de son frère dans l'escalier. Puis ils s'éloignèrent. Il fallait encore attendre. Quand Zacharie avouerait qu'il a perdu, il sortirait ! Adam se recroquevilla, fixant la raie de lumière qui filtrait à travers le seuil de sa cachette. Attendre encore un peu.

Mais plus ça allait, plus l'endroit l'oppressait. Il essaya de sortir. Ses mains poussaient la porte, et pourtant, elle refusait de s'ouvrir. Il poussa plus fort. Sans succès. Comment allait-il sortir ? Des larmes commencèrent à arriver à ses yeux, et son corps était paralysé par la panique. Il voulait sortir ! Il voulait cirer ! Mais ne passaient sa bouche que de minuscules murmures. Il avait si peur. On allait l'oublier là ? Depuis combien de temps était-il là ? Longtemps ? Zacharie l'avait oublié ? Christian aussi ? Non, il ne voulait pas qu'on l'oublie ! il ne fallait pas…

"Adam ! Adam ! "

Le petit ouvrit les yeux. On venait le chercher ! Il s'était assoupi ? Peut-être. Ou alors, il avait juste fermé les yeux un instant. Mais on venait le chercher ! Il tapa comme un forcené sur la porte. Sa gorge était trop sèche et trop nouée pour articuler le moindre son. Mais bientôt, il vit la porte s'ouvrir. Il bondit comme un animal sauvage dans les bras de… son frère. Christian était juste a côté.

Ils l'avaient retrouvé, il ne l'avait pas oublié… Son frère ne l'oublierait jamais. Il pleurait à chaudes larmes, serrant de toutes ses forces son jumeau.

"J'ai gagné hein ?"murmura-t-il d'une voix à peine audible.

" Exact. Tu as gagné l'obligation de ne jamais me refaire ça."lui répondit-il.



"Tu plaisantes ! Jamais j'aurais le courage d'exposer mes… gribouillis ! Et puis, les autres sont tous meilleurs…"

Adam rangeait son dernier pastel en disant ces mots à son frère. Exposer avec l'association du collège ? Il serait ridicule ! Et puis, ça n'intéresserait personne de voir ce qu'il faisait. Après tout, il n'était qu'un élève discret que personne ne connaissait. Au mieux on l'appelait : "le frère de Zacharie". Mais lui, Adam, il n'était rien, ou pas grand-chose. Tout comme ses dessins. Il ferma son carton à dessin, relevant son regard vers Zacharie. Non, vraiment, c'était impensable.

"Les autres ? Quels autres ? Sais-tu au moins de qui et surtout de quoi tu parles ? Ce que tu appelles "gribouillis" n'en sont pas forcément pour d'autres personnes, en tout cas pas pour moi, ni même Christian. Et je ne pense pas non plus que te dévaloriser de la sorte sans avoir reçu la moindre critique valable et venant d'un regard complètement étranger et surtout extérieur t'aidera à mieux te rendre compte de la réalité de tes capacités."

Adam releva un sourcil. Puis baissa la tête. Peut-être. Mais il avait tellement la trouille. Il avait déjà peur d'être lui-même, alors lui demander d'afficher des pans de son âme sur un mur. C'était une idée digne d'un film d'horreur.

"La réalité de mes capacités ? Je m'en fiche de ça. J'ai juste…"

Sa voix s'étouffa.

"J'ai juste pas envie. Ça te dit de sortir un peu ?"demanda-t-il en attrapant sa veste, bien décidé à éluder le sujet.

Mais hélas son frère ne bougea pas, le fixant intensément. Un regard qu'il connaissait trop bien. Celui qui dit arrête de me prendre pour un imbécile. Le regard qu'Adam craignait en fait.

"De quoi as-tu peur ?"

Adam reposa sa veste. Il n'y couperait pas. Il s'assit sur son lit. De quoi avait-il peur ?

"De leur regard. J'ai peur de leur jugement. J'ai peur de tout cela. Mes dessins… ceux sont comme une part de moi-même, et si elle ne leur convenait pas… J'ai peur de ça."dit-il en relevant les yeux.

"C'est normal d'avoir peur du jugement des autres. Mais laisse-moi te dire une chose : que cela leur convienne ou pas, là n'est pas la question. Ce n'est pas pour eux que tu dessines. C'est pour toi. Si tu commences à créer pour "convenir", alors je suis désolé, mais ce que tu feras ne sera plus de l'art. Il y a des chances pour que cela ne plaise pas, tout comme il y en a pour que ça plaise ; tous les goûts sont dans la nature comme on dit. Et tu ne pourras pas savoir avant d'avoir essayé."

Adam eut un sourire léger. Il avait raison. Mais, c'était quand même dur à faire.

"Tu resteras avec moi quand ils ouvriront l'exposition ? " demanda-t-il avec des yeux apeurés.

Zach sourit. Ce sourire si rassurant, et si doux.

"Bien sûr. Autant que tu veux. "

Adam sourit. Il aimait son frère. Vraiment. Beaucoup. Il ne savait pas ce qu'il ferait sans lui. Sans ce grand frère si courageux.

"Je vais y réfléchir… Bon, cette fois, on sort ?"dit-il en se redressant et en reprenant sa veste.

Il ne parla plus de l'exposition avec son frère. Il ne voulait pas lui dire sa décision. Il se débrouilla pour qu'elle ne puisse être découverte.

Puis le jour de l'exposition arriva. A la fin des cours, il saisit la main de son frère.

"J'ai une surprise pour toi !"dit-il avec un sourire énigmatique sur les lèvres.

Son frère sembla surpris. Tant mieux, il n'avait pas du faire le rapprochement ! Il le tira donc par la main, courant presque dans les couloirs, ralentissant devant le bureau des surveillant, accélérant à peine celui-ci dépassé ! Ils arrivèrent bientôt dans la salle des expositions du lycée. Ils étaient les premiers, hormis le professeur d'arts plastiques qui salua Adam et son frère d'un signe de main chaleureux. Le plus jeune amena son aîné vers un des murs.

"Tadam !"dit-il en montrant d'un geste théâtral ses toiles.

Il y en avait une dizaine : des nus, des natures mortes, des paysages, des dessins d'invention. Puis, il reprit la main de son frère.

"Par contre, tu restes avec moi maintenant hein ?"dit-il alors que les gens commençait à arriver.

Son frère avait l'air content. Tellement, qu'ils finirent dans les bras l'un de l'autre.

"Et comment que je reste avec toi. C'est une magnifique surprise. Merci."

"De rien, c'est grâce à toi."murmura-t-il de façon inaudible.

Et puis, les gens arrivèrent. Beaucoup de monde même pour une exposition de collège. C'en était surprenant.

"Ouah ! ils sont superbes ! C'est les tiens ?"demanda la fille la plus populaire du collège, en regardant les dessins d'Adam.

"Euh oui…"

"Mais c'est trop fort de dessiner comme ça ! Hey ! Venez voir ! "cria-t-elle à ses amis.

Adam ne put que sourire. Il leur plaisait. Les compliments n'arrêtaient pas de pleuvoir. Même les autres exposants saluaient son talent avec courtoisie, l'encourageaient vivement à continuer. Tout était superbe. Il reçut même le prix du meilleur exposant ! Il ne savait même pas qu'il y avait un concours ! C'était superbe. Mais… Il manquait quelqu'un dans cette foule qui le félicitait.

"Excusez moi, mais je dois y aller, madame."

"Je comprends ! File, et puis, tu exposeras encore l'an prochain !"lui lança le professeur alors qu'il sortait de la salle.

Il le retrouva là, assis sur un muret. Il n'avait pas su dire quand il s'était éclipsé. Peut-être au début de l'affluence, peut-être après. Il avança vers son frère avec un sourire serein aux lèvres. Et doucement, il serra son frère dans ses bras, déposant un bisou sur sa joue.

"Je t'aime Zacharie. Je ne sais pas ce que je serais sans toi."murmura-t-il à son oreille.

Dernière année de collège. Septembre. Dans les classes c'est l'effervescence. Encore une fois, les deux jumeaux de Rovira sont dans la même classe, assis côte à côte. Les mêmes têtes se tiennent autour d'eux. Adam regarde par la fenêtre les oiseaux dans la cours. Comme d'habitude. Après 3 ans, on ne perd pas ses bonnes habitudes. Mais alors qu'il jetait un bref coup d'œil à la classe, il la remarqua. Elle venait d'entrer. Elle. Si… Etrange, si spéciale.

Il donna un coup de coude à son frère.

"Zacharie ! Regarde… On dirait un ange !"murmura-t-il en regardant l'adolescente, fasciné.

Son frère tourna légèrement la tête, l'air imperturbable.

"…Elle est étrange."

Adam eut un léger mouvement de recul.

"Etrange… Oui, mais elle est si… belle !"

Zacharie lui jeta un nouveau regard.

"J'avoue qu'elle est unique en son genre."

Puis son frère se re-concentra sur son cahier. C'était incroyable ! Comment pouvait-il être si impassible ? Si opaque à une telle beauté ! Elle rayonnait ! Décidément, Zach était vraiment bizarre des fois ! L'appel arriva. Elle s'appelait Aurore. Quel prénom magnifique. Il désignait à la fois un phénomène étrange, et une jeune fille correspondant au même adjectif.

Quelques jours passèrent. Adam ne cessa de l'observer. Elle lui paraissait toujours plus fascinante. Ce qui lui semblait bizarre, c'était sa solitude. Elle était toujours seule. Comme si elle méprisait la terre entière. Et c'était comme si tout le monde en faisait de même pour elle, d'un tacite accord. C'était si bizarre. Et puis Adam voulait tant aller vers elle, lui dire que lui l'appréciait sans même la connaître.

"Zacharie… Tu voudrais pas qu'on propose à Aurore de manger avec nous? Elle est toujours toute seule… Et comme on est toujours que nous deux à midi… C'est une bonne idée non ?" demanda-t-il avec un air implorant de chien battu.

Son frère jeta un coup d'œil vers elle. Elle se tenait là, seule, étrange, ignorée de tous et pourtant irradiant d'un étrange quelque chose.

"Pas besoin de faire cette tête, j'y vois aucun inconvénient. "

Adam ne quitta cependant pas son air de chien battu pour ajouter.

"… Tu vas lui proposer ?"

Et oui, c'était lâche, mais il aurait été incapable d'aligner deux mots face à elle. Zacharie poussa un énorme soupir qui fit plissait les sourcils à Adam, le rendant encore plus irrésistible.

"… Très bien. J'y vais."

Adam ne rata pas une miette de ce qui se passait sous les yeux plus qu'étonnés de tout le self. Zacharie commença à lui parler… Puis s'arrêta. Hum, pourquoi ? Oh ! Elle ne le regardait pas…. Ah ! Ils reparlent ! Adam s'était légèrement levé de son siège pour mieux les voir. Elle dit un mot. Oui ou non, il ne sut dire… Et puis elle prit son plateau. Zacharie lui signifia d'un pouce levé que c'était O.K. Adam ne put réprimer une petite exclamation joyeuse. Il se rassit un peu mieux, tentant de garder au maximum son sang froid. Bon sang ! Il allait lui parler ! Hiii ! Elle s'avançait, se fichant de la surprise générale. S'installant finalement à côté de Zacharie.

"Bonjour !"lança Adam avec un sourire joyeux, et timide à la fois.

Aurore le regarda avec un air étonné. Découvrait-elle son existence ? Etait-il si insignifiant ? Ou avait-il fait quelque chose de travers ? Son sourire pendant une fraction de seconde se figea. Mais il s'agrandit en l'entendant parler.

"…Bonjour."

Elle lui avait répondu !

"Je suis content que tu aies accepté de venir manger avec nous ! Je m'appelle Adam ! "reprit-il avec entrain, jetant un coup d'œil à son frère.

Elle lui répondit. D'un ton… calme ? Froid ? Il ne savait pas trop. Et d'une façon si directe, sans rubans ni décorations.

"Je le sais. Et ton frère c'est Zacharie. Ce n'est pas comme si on ne vous connaissez pas. Je m'appelle Aurore, mais j'imagine que tu le sais déjà."

Si il le savait… Mais le ton lui avait fait un drôle d'effet. Il avait l'impression qu'une telle remarque était dite dans le but de le faire taire. Mais…

"On ? Zacharie et moi, on est connu ?"demanda-t-il après un court instant en relevant un sourcil. "Zacharie, je veux bien, mais moi…"

Son frère le coupa.

"Tu recommences."

"Hum ?" fit-il avec un air interrogateur vers on frère. Qu'est-ce qu'il avait recommencé ? "Ah oui ! Désolé, je parle trop, toi aussi tu veux parler à Aurore ! Vas-y, désolé !"

Adam se re-concentra sur sa salade, se demandant si elle était comestible et s'il n'y avait pas de limaces dedans. Et puis il y eut un bruit sourd, il leva un œil, son frère se tapait la tête. Qu'est-ce qui lui prenait ! Aurore le fixait intensément. Bha quoi encore ?

"…Tu te sous-estimes."déclara-t-elle d'un ton parfaitement posé.

"Oh… Ah ? Mais non… Enfin… Je sais pas… Tant que ça ? "bafouilla-t-il en levant des yeux interrogateurs vers ses deux interlocuteurs.

Le verdict tomba d'une parfaite unisson entre son frère et elle.

"Oui."

Il eut un sourire gêné. Pourtant, il n'avait pas l'impression. Et puis, ce n'était pas comme s'il était un être exceptionnel non plus ! Il baissa la tête, puis la releva.

"Mais, ça résout pas le problème ! On est connus avec Zach' ? Pourquoi ?"

Et oui, la curiosité est pire que tout ! Elle posa sa fourchette, l'air toujours aussi posé.

"Je ne sais pas si vous êtes "connus" à proprement parler, mais dans tous les cas vous passez pas inaperçus. Les jumeaux véritables ne sont pas courants."

Alors, c'était juste ça. Juste le fait qu'ils soient des copies conformes l'un de l'autre qui avait attiré son attention, la sienne, et celle de tout le monde.

"Ah oui… C'est sûr."répondit-il un peu freiné dans sa bonne humeur, préférant finir son repas, plutôt que de tenter de continuer la conversation.

Il mangea quelques bouchées, alors qu'Aurore ajoutait une addition à son affirmation.

"Après, mis à part le physique, je vois pas trop où est la similitude."

Adam s'arrêta. Pourquoi avait-elle pu penser qu'il serait aussi pareil sur d'autres plans ? C'était étrange. Enfin, être jumeaux, ça ne veut pas dire, être identiques. Adam se contenta d'hausser les épaules. Qu'y avait-il à répondre à cela ? Rien à son avis. Et puis, pourquoi cherchait-elle à les comparer ? Il se contenta pour trouver réponse à ses questions d'une nouvelle feuille de salade.

"C'est si facile que cela de nous comparer ?"demanda alors son frère.

Elle tourna lentement la tête vers lui, et lui expliqua en gardant toujours le même ton :

"Lorsque tu vois deux choses identiques, ou du moins que tu rapproches par leur étonnante ressemblance, quelle est ta première réaction à ton avis ? Sans même en avoir conscience, tu cherches les différences entre elles pour bien les individualiser. Je ne vois pas en quoi c'est mal de voir des différences en chacun. Au contraire, cela les rend plus uniques. "

Alors c'était cela… Pourtant Adam continuait de trouver cela étrange. Et puis d'ailleurs, il n'avait jamais aimé qu'on les compare. Il préférait qu'on le voit simplement comme Adam. Comme une personne unique, non associable à une autre. Il n'aimait pas qu'on le prenne pour la doublure de son frère.

"… Ce n'est pas faux."répondit seulement son frère, avec son calme habituel.

Puis avec une très grande flegme, il retourna à son plat et esquissa une grimace. Oh, ça devait être froid. Au moins, lui n'avait pas eu ce problème avec sa salade. Et puis de toutes façons, il n'avait plus vraiment faim.

"Ca vous dérange si je vous laisse ? J'ai promis à notre professeur d'Arts plastiques de lui montrer quelques dessins… "lança Adam d'une voix qu'il espérait convaincante.

Les deux rivèrent alors leur regard sur lui. Et ce fut le drame !

"J'aimerai bien les voir." déclara soudainement Aurore.

Zacharie se figea alors qu'il s'apprêter à enfourner une nouvelle fois sa fourchette, surpassant sans doute la froideur du plat. Quel courage. Adam aussi se figea. Sans doute se figaient-ils pour la même raison : ils savaient tous les deux qu'il s'agissait d'une excuse bâteau, et qu'il n'avait aucun dessins "montrables" sur lui.

"Je veux bien mais… Mais ceux-là ne sont pas finis, ou pas terribles… et puis Mme *** doit m'aider à trouver les défauts pour les finir… Un autre jour, si tu veux vraiment les voir…" bafouilla le cadet mal à l'aise.

"C'est à moi de voir s'ils sont "biens" ou pas non ? Vu que j'ai demandé à les voir et qu'au final cela sera uniquement moi donnerai mon avis. Mais si tu ne veux pas maintenant, il n'y a pas de problèmes. Je peux attendre."

Adam réfléchit. Il y avait bien un dessin de fini, mais… Mais ce n'était peut-être pas le dessin à lui montrer à elle. Il resta pensif une trentaine de secondes. Puis, il attrapa on sac, fouilla dedans, en sortit une pochette, duquel il prit un dessin, il le tendit à Aurore.

"Tiens, et puis, tu peux le garder."

Il se dépêcha de ranger ses affaires. Lui donner ce dessin ! Il était devenu fou ! Comme si c'était normal de dessiner une inconnue avec un air angélique sur le visage, le vent dans les cheveux et une robe immaculé sur les épaules. Il était complètement con. Il essaya de fuir, mais malheureusement son frère l'attrapa par le bras.

"Hey, ce n'est pas poli de partir sans saluer les gens."

Aurore fixait son dessin avec un air ébahi, stupéfait. Un sourire vint ensuite étirer ses lèvres.

"Tu as vraiment beaucoup d'imagination. Je ne savais pas que quelqu'un pouvait me voir comme ça, je ne me reconnais presque même plus moi-même !"

Elle leva la tête vers Adam.

"C'est un très beau dessin. Tu as beaucoup de talent. Tu es sûr que je peux le garder ?"

Adam ne s'attendait pas à cette réaction. Il lui plaisait ?

"Oui, oui tu peux… Bon par contre, je vais y aller. A tout à l'heure. "lança-t-il en lançant un regard entre l'agacement et la supplication à son frère pour qu'il lui rende son bras.

Celui-ci ne tenta pas de le retenir, ce qui fut un soulagement. Aurore le salua poliment. La seule chose qu'il entendit venant de son frère fut : "A tout à l'heure, Adam."

Ainsi débuta leur relation. D'une façon étrange. Tout ce qui la touchait était étrange. Différent de tout le reste. Il était évident que cette relation deviendrait obligatoirement différente de tout ce qu'il avait vécu. Cette jeune fille devint une obsession. Il n'y avait pas un dessin qui ne soit d'elle. Il n'y avait pas un instant où ses yeux ne la voyait. Elle était partout, exerçant son pouvoir de fascination.

Adam pénétra silencieusement dans la chambre de son frère, le découvrant allongé sur son lit en train de lire. Il se faufila dans le lit, se glissant sous les draps. Comme toutes les fois où un problème lui tiraillé l'esprit. Allongé, le regard rivé vers le plafond, les mots peinent à lui venir aux lèvres.

"Je suis amoureux, Zach' "murmura-t-il.

Zacharie sembla s'immobiliser. Il eut un silence pesant.

"…ça a le mérite d'être clair. Et cette heureuse élue est ?"

Adam tourna la tête vers lui, puis revint fixer le plafond.

"… Aurore."réussit-il à chuchoter.

Zach ne bougea pas. Le silence se réinstalla. Un silence de mauvaise augure. Un silence qui agressait Adam. Les larmes arrivaient à ses yeux. Il sentait une fatale échéance. Sans savoir vraiment pourquoi.

"Ah. Je m'en doutais." Déclara enfin son frère.

Cette phrase fit glisser une larme sur la joue d'Adam. Aurore aussi devait s'en douter aussi. Et elle devait se rire de lui.

"Qu'est-ce que je dois faire ? … Essayer de l'oublier ?"

Zacharie se retourna vers lui, sa main passant doucement dans les cheveux de son frère, un sourire étirant ses lèvres.

"Tu essaies encore de fuir, petit frère, ce n'est pas bien. Au lieu "d'essayer d'oublier", tu devrais au contraire "essayer de te rapprocher d'elle" afin de pouvoir convenablement lui avouer tes sentiments. Je sais que ce sera très dur pour toi, mais il faut que tu le fasses. Tu ne peux pas passer ta vie à éviter les choses qui t'embarrassent."expliqua-t-il d'une voix réconfortante, et chaleureuse.

Adam ferma les yeux, tentant désespérément de retenir ses larmes.

"A quoi cela servirait ? Elle ne m'aime pas c'est sûr."

Son jumeau soupira.

" Comme d'habitude, tu tires des conclusions avant même d'avoir tous les éléments en main. Tu ne sais rien de ses sentiments à ton égard. Et tu ne le sauras certainement pas avant de lui avoir demandé."

Le plus jeune tourna sa tête vers son frère, posant son regard humide dans ses yeux.

"Et si pour une fois j'avais raison ? "

Zacharie le regarda un instant, silencieux. Peut-être sa question l'étonnait-il ? Ou alors peut-être réfléchissait-il ? Adam ne savait trop dire. Puis il reprit de la même voix calme et rassurante :

"Il y a autant de chances que tu aies raison comme tu aies tort. Comme je viens de te le dire, tu ne pourras en être assuré qu'après lui avoir demandé. Il n'y a qu'elle qui pourra le confirmer. Et tu le sais."

Adam eut un léger soupir. Zacharie avait tellement raison. Il se blottit contre lui, enfouissant sa tête dans son cou.

"Je préfèrerai tomber amoureux de toi …"murmura-t-il avec un hoquet de rire, pensant à moitié ce qu'il disait.

Son frère le serra dans ses bras. Fort. Très fort. Trop peut-être. Mais qu'importait, ils étaient bien ainsi. Au moins, ainsi, Adam se sentait comme protégé.

"Moi aussi, tu sais… Mais ce serait plus problématique qu'autre chose." lui répondit son aîné.

Adam releva doucement la tête.

"Pourquoi ? Ce serait un secret ! On vivrait notre amour cachés des yeux de tous! "dit-il en rigolant.

Et pour illustrer ses dires, déposa furtivement ses lèvres sur celles de son frère. Cette action eut sur Zach le même effet que le regard de la Gorgone ! Il se pétrifia instantanément, il lui fallut quelques secondes pour réagir, puis il fronça les sourcils et décoiffa impitoyablement le plus jeune qui riait bien en essayant de se défendre.

"Idiot ! "

"Mais quoi ? Au moins j'aurai eu ton premier baiser, mon amour !"

Puis reprenant plus sérieusement, Adam ajouta :

"Et je sais que c'est une grande chance."

Zach se pétrifia encore. Décidément, il était facile de le surprendre !

"Peut-être." Dit-il avec un sourire calme.

"C'est sûr, tu vas vite devenir un tombeur !"déclara Adam comme si c'était une évidence avant de lui tirer la langue, moqueur.

Cette fois, ce fut un coup de livre qui arriva sur sa tête, lui faisant se mordre la langue. Oh… Aucun humour ce Zach vraiment !

"Arrête de dire des idioties, et va te coucher ! Demain on a cours, je te rappelle !"

Adam leva vers lui des yeux suppliants, de chien battu.

"Je peux rester avec toi cette nuit ?"

Un air blasé s'installa sur le visage de son confident. Il leva les yeux au ciel, résigné.

"C'est bon, t'as gagné !"dit-il en marquant la page de son livre et le déposant.

Adam s'enfonça sous les couverture, se collant contre lui, lâchant un "merci grand frère" attendrissant. D'ailleurs, il arracha un sourire au grand frère en question.



Cette conversation donna à Adam le courage de faire ce qu'il craignait tant. Et n'attendant pas que son courage ne retombe, il passa à l'acte, ou plutôt à la parole le lendemain. A la fin de la journée, laissant son frère rentrer seul, il alla voir Aurore, lui courant après dans les couloirs.

"Aurore… Je peux te parler ? Ou tu es pressée ?"demanda-t-il légèrement essoufflé.

La jeune fille lui jeta un regard étonné, puis hoche négativement la tête. Adam lui sourit, légèrement crispé. Non, même très crispé.

"En fait… ça fait plusieurs mois que…"

Il s'arrêta. C'était d'une nullité. Et puis pourquoi tourner autour du pot ? ça ne servait qu'à l'angoisser un peu plus… Il inspira une grande bouffée d'air.

"Je t'aime." Lâcha-t-il en fermant à moitié les yeux, craignant de voir les réactions de l'être aimé.

Son visage resta d'abord de marbre, un soupçon surpris peut-être. Etait-ce un mauvais signe ? il ne savait pas. Peut-être…

"...Pour te dire la vérité, je le sentais. La façon que tu as de te comporter avec moi, les regards que tu me lances quand tu crois que je ne te vois pas... Je le savais, mais je refusais de l'admettre."

Hum, ce n'était finalement pas un bon signe. Sa crainte était fondée.

"Désolé…" Murmura-t-il en baissant la tête honteux, alors elle l'avait vu, toutes ces fois où il l'avait regardé. Lui qui avait cru être discret…

Elle esquissa un sourire. Cela surprit Adam. Mais au point où il était, la surprise ne suffisait pas à remplacer le sentiment de déception qui l'envahissait.

"Tu n'as pas à t'excuser. C'est tout à fait normal d'agir ainsi avec la personne que l'on aime. Je sais combien c'est dur de résister au désir de la regarder, de l'approcher, de penser à elle tout simplement."

Son regard se perdit dans le vide. Le regard de l'amour sans aucun doute. Mais ce n'était pas lui qu'elle aimait. Elle aimait quelqu'un d'autre, sans doute voyait-elle son visage alors qu'elle avait les yeux perdus dans le vide…

"Oui… Alors tu aimes quelqu'un toi aussi ? "demanda-t-il d'une voix légèrement chevrotante.

Elle releva la tête, sortant de ses pensées, puis dit d'un ton franc et sans détour.

"Oui."

Adam serra les poings, retenant ses larmes. Elle aimait quelqu'un. Quelqu'un de mieux que lui sans aucun doute. Comment avait-il pu avoir la prétention d'être aimé d'elle ? Après tout, on ne mélange pas les serviettes avec les torchons, on ne compare pas une fraise et une prune. Il avait été stupide de se faire des illusions.

"Je le connais ? " dit-il la voix chevrotante.

Elle hésita un instant. Son visage ne changeant pas d'expression.

"… Peut-être. Peut-être pas."

Adam se força à afficher un sourire. Qui pouvait-ce être ? N'importe qui. N'importe qui valait mieux que lui de toutes façons.

"La seule chose qui compte, c'est qu'il t'aime. "

Il baissa la tête un instant, refoulant l'inondation qui menaçait ses joues. Son visage se releva doucement, puis ajouta :

"J'espère qu'il t'aime. Vraiment. "

Il était sincère. Ce n'était pas parce que son amour n'avait pas abouti, que celui d'Aurore devait mourir aussi. Au contraire, il voulait qu'elle soit heureuse. Qu'elle ait le bonheur qu'on lui refusait violemment. Il s'approcha doucement d'elle, et déposa un baiser sur sa joue.

"A demain… Passe une bonne soirée."murmura-t-il d'un ton effacé avant de partir.

Il marcha en suivant ses pieds. Il ne voyait plus vraiment où il mettait les pieds, ses yeux étant envahis par une vague de chagrin. Il manqua peut-être de peu de se faire renversé sur le trajet. Il ne sut jamais. La seule chose qui resta dans sa mémoire, c'était la douleur. L'impression d'avoir raté quelque chose d'important. Une chose dont aurait pu dépendre son bonheur.

Quand il passa la porte de la maison familiale, Zach l'attendait. Il vint de suite le prendre dans ses bras en le voyant pleurer.

"J'avais raison pour une fois…"murmura-t-il entre deux sanglots.

Adam passa toute la nuit à pleurer. Le lendemain, il était si épuisé qu'il ne pu aller en cours.

Ensuite, elle ne lui parla plus. Ni à lui, ni à son frère. Il ne comprit jamais cela. Sans doute était-ce sa faute. On peut ignorer une personne, mais l'aimer, c'est un blasphème.

Les deux frères passèrent la porte de la maison en parlant joyeusement. C'était le printemps, il faisait beau. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes comme dirait notre ami Pangloss. Pourtant quand ils virent la mine contrariée de Christian, ils comprirent qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas si bien que ça. Il leur intima d'aller s'asseoir à la salle à manger, il devait leur parler. Les deux adolescents obtempérèrent. Il s'assirent, et attendirent.

"Il y a eu un attentat au Caire. Vos parents en étaient la cible. Ils sont morts."

Les paroles tombèrent comme un couperet sur Adam. Morts ? Ses parents ? C'était impossible ! Il demeurait silencieux. Pétrifié. Mes yeux dans le vide, réalisant l'effroyable tragédie. Ses parents étaient morts. Ses parents qu'il aimait si fort. Ses parents qu'il aurait voulu revoir vivant. Ses parents qu'il ne reverrait plus.

"Comme toujours, ils avaient refusé d'avoir une escorte. C'était contre leurs idées. Seulement cette fois, l'attentat n'a pas manqué sa cible."

Adam eut alors un rire nerveux. Ils avaient été attaqués à cause de leurs idées intègres et pacifistes. C'était trop absurde ! Il se leva brusquement de sa chaise, frappant d'un poing la table.

"Ils sont morts à cause de leur stupidité ! On a beau avoir des idées, ils auraient pu penser aux conséquences ! Maintenant ils sont morts ! Morts ! Morts ! Comme des imbéciles ! "

Il avait hurlé ces mots, les crachant comme on recrache l'eau qui nous étouffe. Il retomba sur sa chaise, vidé. Asphyxié. Ses yeux s'humidifiant. Sa voix se brisa.

"Ils auraient pu penser à nous… Plutôt que de penser à leur idées…"

Son frère tenta de le prendre dans ses bras. Non. Il voulait de l'air. Il étouffait. Il repoussa Zacharie presque avec violence. Il se leva. Sa chaise tomba sur le carrelage, produisant un bruit mat. Il résonna dans la pièce. Adam sortit. Fuyant. Il passa la porte de la maison en courant. Il entendit Christian l'appeler. Il continua de courir. Toujours. Courir loin. Très loin. Loin de la mort. L'oublier.

Il s'arrêta. Il avait couru sans même savoir où il allait. Il s'était retrouvé dans un bois. Il connaissait ce bois. C'était celui où il allait petit avec ses parents. Où il avait eu de merveilleux moments. Où il avait ri avec sa mère, où il avait joué avec son père. Où il avait vécu ces moments de simplicité. Loin de leur métier. Loin des idéaux. Juste sur terre, avec eux. Pourquoi est-ce que ça s'était arrêté ? Il aurait voulu s'asseoir une nouvelle fois dans l'herbe à côté d'eux. Il aurait aimé pouvoir les prendre dans ses bras, sentir leur odeur, leur chaleur, leur souffle. Il aurait aimé les voir encore. Toujours.

Il cria. Il hurla. A s'en briser la voix. Puis il pleura, prostré au sol, sur le sol terreux et humide. Il ne voulait pas. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi eux ? Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas un autre ? POURQUOI ? Ses questions restaient sans réponse. Tout cela était juste absurdement injuste.

La nuit tomba. Elle rappela au triste sire des bois que la nature n'était pas sa place. Le froid commençait à le faire frissonner. Il rentra péniblement chez lui. Dans cette maison à présent emplie de fantômes et plus de vivants. Il se précipita dans sa chambre. Assis dans un coin de celle-ci, il continua à pleurer. Puis le flot de larmes s'estompa. Il réalisa son égoïsme.

Il rentra dans la chambre de son frère. Il dormait. Il s'approcha de lui, et le serra dans ses bras. Murmurant des excuses. Pleurant de sa bêtise. Pleurant ses parent. Pleurant de rage. Après quelques temps, il trouva dans les bras de son frère le repos du sommeil. Une trêve bien faible.


Le cortège avançait dans le cimetière. Les deux cercueils étaient portés par des hommes vêtus de noir. Tout le monde était vêtu de noir. Tâches sombres sur les pelouses verdoyantes. Adam et son frère étaient en tête. Adam serrait si fort la main de son frère que s'il y avait prêté attention, peut-être aurait-il eu peur de la briser. Mais il n'y pensait pas. Il ne pensait qu'à ses parents. Ou plutôt à ce qu'il en restait dans les boîtes brillantes devant eux. Le bois était lustré. Ouvragé, et les poignés étaient couleur argent. Tant de détails pragmatiques qui rappelait à Adam qu'ils allaient finir au fond d'un trou. Ils allaient finir comme nourriture à asticots. Et il n'y pouvait rien. Ils étaient partis. Définitivement. Jamais plus il ne reverrait le sourire de sa mère. Plus jamais son père ne rirait de lui, en lui tapant le dos. Jamais.

Un prêtre fit un discours. Adam ne l'écouta pas. Il regarda les cercueils s'éloigner lentement dans la fosse. Retenu par deux cordes. La vie ne tient qu'à un fil, pour des cadavres, il y en a plus qui les retiennent à leur mort. Drôle de pratique. Il ne tenait plus la main de son frère. On lui avait donné une rose blanche qu'il triturait sans cesse. La fosse était à ses pieds.

"J'espère bien toucher une part de l'héritage ! "
"Moi aussi ! Après tout, je suis sa sœur."

Et eux, derrière lui. Le prêtre lui fit signe de déposer sa fleur dans la fosse. Il préféra se retourner. Il poussa violement son oncle, se jetant sur lui comme une bête enragé. Comment osait-il parler d'argent sur la tombe de sa sœur ? Comment ?

"Sale chien ! Pourriture !"lui cracha-t-il au visage, en le frappant avec hargne.

L'homme recula, le nez ensanglanté. Zacharie le retenait. Essayant de le calmer.

"Vous n'êtes que des raclures de l'humanités ! Des rats ! Vous auriez du crever à leur place !"hurla-t-il les larmes aux yeux.

Et puis, il sentit sa vue se troubler. Le sol se dérober sous ses pieds. Le noir. Et puis, rien. La rose gisait par terre, on avait marché dessus dans la bousculade.

Adam se réveilla dans son lit. Il avait fait un malaise. D'après le médecin c'était du à la fatigue physique et psychologique. Il se leva avec difficulté, comme engourdi. Il entendait des voix en bas. Il descendit la moitié de l'escalier.

"J'ai ici le testament des époux De Rovira. Il est stipulé que tout leur héritage revient à leurs deux fils, et que jusqu'à leur majorité, j'en serais l'unique régisseur."

"C'est aberrant ! " "Absurde !" "Injuste !"

Une voix s'éleva du tumulte.

"Mais enfin ! C'est certain qu'un de leurs fils n'est bon que pour l'asile ! Ce fou violent !"

Adam eut un haut le cœur. Zacharie parla. Il reconnut sa voix. Mais ne comprit pas ce qu'il disait. Mais le silence se fit. Ce ne fut que Christian qui reprit.

"Vous n'avez plus rien à faire ici. Vous n'aurez rien. C'est écrit. Vous ne dévorerez pas la dépouille des lions, bande de chacals. Alors, foutez le camp ! Je ne veux plus jamais vous voir ici. "

Les charognards sortirent alors en pestant de la grande salle. Adam les vit passer. Il n'oubliera jamais la haine dans le regard de son oncle.

Le chemin reprit son cours. Pourtant Adam ne se remit pas des ces évènements. Il tomba dans une forte dépression. Néanmoins avec le temps, les traitements, les psychanalyse, et son entourage, il remonta la pente. Jusqu'à redevenir presque totalement autonome et stable émotionnellement. Christian décida de les éloigner de cette maison renfermant trop de souvenirs douloureux. Ils quittèrent même la France. C'est ainsi qu'ils arrivèrent dans un jeune pensionnat londonien à la réputation déjà prestigieuse…




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